Autodidacte et entrepreneur dans l’âme, Jean-Philippe Cartier a fondé sa première startup à l’âge de 16 ans. Il est aujourd’hui à la tête d’H8 Invest, une holding présente dans plusieurs univers dont l'hôtellerie de luxe avec H8 Collection, un groupe qui compte huit hôtels (murs et fonds) haut de gamme en France. A ses yeux, l’investissement hôtelier repose avant tout sur une logique patrimoniale.

Propos receuillis par Laurent Caillaud

Photo de la vue depuis l'hôtel

Pourquoi choisir d’investir dans l’hôtellerie ?

Jean-Philippe Cartier : Parce que l’hôtellerie représente à n’en pas douter un choix patrimonial rassurant dans la durée. Les investisseurs ont le sentiment - justifié - que leur argent y est en sécurité, qu’il est placé dans des activités commerciales et de service ayant pignon sur rue, dirigées par des professionnels connaissant leur métier. Avec, ce qui n’est pas négligeable, des rendements assurés. Même l’arrêt global de l’activité dû à la pandémie de Covid-19 n’aura constitué qu’un temps d’arrêt assez bref dans cette dynamique. Surtout en France, pays hautement attractif sur le plan touristique et dans lequel le secteur hôtelier a été soutenu sans réserve par l’État. La mécanique s’est très vite remise en marche ; résultat, l’été 2022 aura probablement atteint des niveaux records pour l’hôtellerie, au-delà même de ceux de 2018 et 2019.

Comment structurer cet investissement ?

Il y a deux sortes d’investissement hôtelier. Si l’intention est une diversification de portefeuille, la meilleure solution est de passer par un fonds spécialisé, comme 123 IM ou Extendam. Une formule qui a fait ses preuves. A partir de quelques dizaines de milliers d’euros, l’investisseur délègue en confiance la gestion de l’activité à l’opérateur chez qui il va placer son capital. Il peut même saupoudrer son investissement à la carte sur diverses familles d’activité, mais c’est a priori le cas de tous les fonds, cela n’est pas propre à l’hôtellerie. L’autre cas de figure repose sur une ambition entrepreneuriale, dans laquelle l’investisseur va se faire l’acteur de son placement. L’achat d’un hôtel ressemble en ce sens à l’achat d’un vignoble, c’est-à-dire un investissement plaisir dans un univers séduisant. Lorsque l’on dispose de gros moyens et que l’on est bien entouré, il est tout à fait possible d’y imposer rapidement sa marque de fabrique. À l’image d’Alain Weill, le président de NextRadioTV, qui avec le Lily of the Valley a créé une nouvelle forme de luxe à Saint-Tropez. Ou comme Stéphane Courbit qui a appliqué à l’hôtellerie les recettes qui lui ont permis de s’imposer dans la production audiovisuelle, et qui décline maintenant avec succès la marque Airelles, de Courchevel à Gordes et Versailles. Une fois qu’ils ont intégré les mécanismes propres à la gestion d’un hôtel, les entrepreneurs ne s’arrêtent généralement pas à un établissement. Ils se prennent au jeu, ils innovent, sont curieux, pragmatiques… Et ils finissent presque toujours par monter un petit groupe d’une dizaine d’hôtels, dotés d’un ADN commun et d’une forte personnalité. Attention, l’hôtellerie est en mouvement perpétuel, se reposer sur ses lauriers n’est jamais une bonne option.

Cette approche remet-elle en cause l’hôtellerie telle qu’elle existe depuis des générations ?

En quelques années, ce métier a changé. Alors qu’autrefois les hôtels de taille moyenne étaient gérés de manière indépendante par des couples ayant repris l’entreprise familiale, la filière s’est hautement professionnalisée. Avec des établissements qui sont aujourd’hui réunis en groupes, gérés de manière moins intuitu personae qu’auparavant. Les familles qui exploitent leurs hôtels de manière indépendante depuis deux ou trois générations n’ont généralement ni l’envie ni les moyens de tout casser pour repartir d’une page blanche. Ce qui les mettra à terme en difficulté. L’hôtellerie a besoin de nouveaux entrants qui disposent de fonds, ont des idées et vont créer des destinations à forte valeur ajoutée.

Qui sont ces nouveaux hôteliers ?

Des entrepreneurs ayant entre 40 et 60 ans, mus par l’envie d’investir dans quelque chose de physique, de tangible, après avoir réussi dans des activités immatérielles comme le digital ou les services.

Jean-Philippe Cartier, H8 Invest.

Dans une optique d’investissement, vaut-il mieux viser un petit hôtel à taille humaine ou au contraire privilégier le nombre de chambres ?

Ce ne sont pas les mêmes actifs. Les grands groupes recherchent du volume, avec des hôtels de 150/200 chambres voire plus. Tandis que les entrepreneurs s’intéressent plutôt à ceux de 30 à 70 chambres. La manière d’opérer n’est pas la même non plus.  Les grands groupes sont rarement propriétaires des hôtels qu’ils ont en gestion, alors que les entrepreneurs sont propriétaires de leurs établissements. Avec une priorité qui est celle de tout propriétaire immobilier, comment rembourser son crédit ! Ce qui impose de garder en permanence les pieds sur terre.

Vous avez fait de H8 Collection une formule gagnante. Quelle est votre recette ?

Je marche avant tout au coup de cœur. Lorsque j’ai découvert l’Hôtel Flaubert à Trouville, avec ses 40 chambres en bord de mer, j’ai immédiatement su qu’il avait un fort potentiel de développement. Nous en avons fait un établissement chaleureux, luxueux sans être ostentatoire, avec un excellent rapport qualité/prix. Soit une proposition qui n’existait pas à Deauville et Trouville. Avec dans notre manche un atout majeur, il est le seul de son secteur à avoir les pieds dans l’eau. Résultat, il est complet à 100 % depuis son ouverture en avril 2022.

Jean-Philippe Cartier, H8 Invest

HÔTEL FLAUBERT - Une légende normande

Posé sur la plage de Trouville-sur-Mer, les pieds dans le sable, le Flaubert est l’un des repères de la Normandie littorale depuis bientôt 90 ans. Alain Delon, Isabelle Huppert, Michel Galabru sont descendus dans ses murs. Patrick Modiano y débarqua trois jours après avoir reçu son Prix Nobel. Didier van Cauwelaert est toujours un habitué, et il évoqua même l’hôtel dans son roman Jules. Jean-Philippe Cartier et le producteur Pierre-Antoine Capton, natif de Trouville, ont racheté le Flaubert durant l’été 2021 et l’ont restauré pour mettre en valeur son âme et ses 31 chambres, sous la houlette de la décoratrice Natalia Megret. Ici chaque client, célèbre ou pas, est un ami. H8 Collection a bien l’intention de faire perdurer cet esprit de famille !

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